NELSON
« Ca suffit ! Sors de là, salope ! »
« Y en marre, je vais tout défoncer !!! »
… J’arrête brusquement de lécher la poitrine ferme et généreuse de Gwendoline qui me chevauche en hululant quand les cris reprennent devant ma porte d’entrée.
« Putain d’orgie, je vais vous défoncer !!! »
Gwendoline me regarde avec un air mêlant stupeur et frayeur. Je me relève pour me diriger vers mon entrée quand l’attaque du mécontent se concentre alors sur la porte en de multiples et violents coups.
« Je vais te défoncer ta putain de porte ! »
Je prends le temps de mettre un bas puis j’ouvre.
Face à moi, le black qui squatte depuis quelques semaines chez la voisine de palier, une vieille dame bien tranquille. Il est armé d’une clef anglaise et équipée d’une coupe afro que « même à Harlem, il n’en font plus des comme ça ».
Il commence :
« Dis moi quand vas-tu bien cesser toutes ces gesticulations
Dis moi si ces obscénités sont ta seule préoccupation
Toutes ces filles lascives dont tu arraches les cris de nuit
Dans mon cœur tu ravives la douleur d’être seul au lit
Le mur qui sépare nos vies est un océan existentiel
Ce rempart de mes envies, comme j’aimerais être avec elles.
…
Attiré par ce slam, quelques voisins arrivent dans le couloir et commencent à manifester leur approbation en tapant dans leurs mains. Une vieille en robe de chambre en soie, hurle un « yo !!! »
…
Mais ce soir je suis en colère car tu n’as aucun respect
Mais ce soir je suis vénère d’entendre les cris de l’excitée
Je viens te détruire, manifestant ma volonté de faire silence
Je n’ai pas peur du pire, même de la lutte à outrance
…
Une dizaine de voisins sont maintenant présents, celui du troisième crie « oui tu as raison, il faut les faire taire ! Yo ! »
Face à la menace du pugilat, je dois intervenir. Je lance à mon tour le slam :
« Es-tu la version black de Paul Michael Glaser ?
Ou son clone, son neveu… Huggy est-il ton père ?
Toi qui viens heurter ma porte et interrompre ma partie
Alors qu’avec Gwendo j’oublie les tracas de la vie
Nous mêlons nos bouches et nos corps, nos jambes se lient
Nos désirs toujours inassouvis décuplent notre envie
…
L’assemblée redevient indécise face à mon sens inné de la poésie slamesque. La voisine du quatrième, une quadra en nuisette, tape dans ses mains et se dandine en me fixant d’un regard brillant.
« Je sais, ça dure longtemps quand je la nique
Mais je suis comme ça, je suis « anorgasmique »
Alors Nelson, pardonne ma partenaire bruyante
Les chocs, ses cris, toute cette sexualité ambiante
J’aimerais que tu trouves toi aussi une femme
J’aimerais que tu partages ta destinée avec une vraie dame…
L’assemblée entre en transe, submergée par l’élan lyrique de ma « slamerie » digne des plus grands poètes de notre histoire littéraire. Une vieille dame urine de bonheur sur place, un ado fait le poirier et la quadra, surexcitée, entame à son tour un slam :
« Vous êtes tous deux des beaux garçons
De vous battre, il n’y a aucune raison
Dehors, il y a tant de maux, tant de haine, tant de conflits.
Avec les Iraniens, les Juifs, les Ricains, Kouchner et la Russie
Soyons tous des frères quand le ciel s’obscurcit
Aimons-nous solidaires, entre nous à Neuilly… »
Vous pouvez vous douter que cela ne s’est pas passé comme cela. Au lieu de cela, je me suis tapé un boulet qui me menaça verbalement sans passer aux actes avant de rentrer, lui et sa clef anglaise chez celle qui le visitait en prison avant de lui offrir un toit pour « sa conditionnelle » : Nelson a, en effet, été condamné à huit ans pour viol, selon un voisin, confident de la vieille ; alors quand il entend des filles se faire piloter toutes les nuits, derrière son mur, on comprend sa haine. Mais moi j’ai ma libido à assouvir.
Hier, j’ai appris que Nelson partait en « foyer » : Il pourra toujours y faire des concours de branlettes avec ses co-locataires.